mardi, 23 février 2010
Définir le fondamentalisme islamique dans le monde arabe
Robert STEUCKERS :
Définir le fondamentalisme islamique dans le monde arabe
Extrait d’une conférence prononcée à Bayreuth (avril 2006), dans la région lilloise pour l’Association Terre & Peuple Flandre/Artois/Hainaut (mars 2009) et à Genève (avril 2009)
Le terme fondamentalisme est aujourd’hui dans toutes les bouches, pas un jour ne passe sans qu’il ne soit prononcé ou écrit dans les médias, soit pour expliquer ou stigmatiser les manifestations d’un islam puriste à l’intérieur même de nos cités soit pour mentionner l’un ou l’autre attentat dans les zones en crise du globe.
Définition du fondamentalisme
Le fondamentalisme n’est pas un fait neuf. Il a une longue histoire. Le chercheur allemand Hans G. Kippenberger, qui s’inscrit, avec beaucoup d’autres, dans l’école sociologique de Max Weber, définit le fondamentalisme, qu’il ne réduit pas au fondamentalisme islamique, comme « le propre des religions abrahamiques », dès qu’elles sont confrontées à des réalités politiques qui ne procèdent pas d’elles, plus précisément à des réalités étatiques ou impériales aux racines plus anciennes ou aux racines plongeant dans un autre humus ethnique. En gros, au-delà de leur hostilité aux régimes politiques modernes, notamment aux nationalismes arabes laïcs, les fondamentalismes se dressent contre les syncrétismes impériaux réellement existants, contre les synthèses que constituent, par exemple, le compromis constantinien dans les empires romain et byzantin ou contre les synthèses que représentaient les empires perses islamisés des Bouyides ou des Samanides, qui avaient opéré un retour vers des éléments traditionnels de l’impérialité iranienne, ou contre l’empire ottoman lui-même, considéré comme truffé d’éléments grecs, induits par les phanariotes chrétiens au service de la Sublime Porte, ou d’éléments propres aux religiosités païennes et chamaniques turques, dérivées des origines centre-asiatiques des fondateurs seldjouks ou osmanlis de l’impérialité ottomane au Proche Orient et en Anatolie. Les fondamentalismes rejettent également les structures religieuses basées sur la vision païenne antique d’un panthéon ou, dans le cas de bon nombre de zélotes juifs ou chrétiens, rejettent la notion même d’Empire, le culte impérial que l’on retrouve à Rome dans les réformes d’Auguste ou dans le culte de Mardouk chez les peuples sémitiques de Mésopotamie.
Le fondamentalisme procède donc par exclusion : il exclut tout ce que son purisme religieux ou théologique ne peut ni ne veut assimiler ou accepter. Nous allons voir comment ce fondamentalisme s’articule dans l’islam. Dans le judaïsme, chez les Loubavitch actuels en Israël, ou dans le mouvement Gouch Emounim, nous avons affaire à un fondamentalisme religieux très virulent qui a épousé paradoxalement la cause sioniste dans ses aspects les plus militaristes et les plus militants, alors que les fondamentalistes classiques, issus de ce que la terminologie sioniste nomme le « vieux Yishuv », c’est-à-dire les petites communautés juives installées depuis des décennies sinon des siècles dans le Sandjak de Jérusalem et dans le Vilayet de Syrie de l’Empire ottoman, sont généralement pacifistes et hostiles au sionisme moderne : elles se perçoivent comme des communautés de prière, soustraites aux tumultes du monde et aux effervescences politiques séculières et accusent, ipso facto, le sionisme d’arracher le judaïsme à la quiétude qu’il connaissait dans les sandjaks et vilayets ottomans du Proche-Orient. Le fondamentalisme juif est donc partagé entre une aile antisioniste et pacifiste (le quiétisme d’un mouvement comme Neturei Karta, par exemple) et une aile néo-sioniste et combattive, d’émergence récente.
Chez les chrétiens protestants, principalement aux Etats-Unis dans l’électorat républicain de Bush, on se réfère à une tradition puritaine plus de trois fois centenaire, qui a apporté une première contribution originale à la future « nation américaine » avec les pèlerins du Mayflower, des fondamentalistes protestants chassés d’Angleterre, où ils semaient le trouble et rejetaient les principes constitutifs de la monarchie anglaise comme incompatibles avec le message biblique qu’ils entendaient incarner. Ils espéraient fonder un Etat, ou une communauté ou, mieux encore, une « Jérusalem nouvelle », selon leurs principes intransigeants sur le sol vierge de l’Amérique du Nord. Parmi les différentes facettes du fondamentalisme protestant américain actuel, nous trouvons un mouvement assez militant de « sionistes chrétiens » qui, bien que non juifs, veulent que Jérusalem soit aux mains des Israéliens le jour du Jugement Dernier, et non aux mains de musulmans jugés « impies ».
Processus d’exclusion
Nous disions donc que le fondamentalisme procède par exclusion. Quels sont dès lors les mécanismes de cette exclusion ? Ou comment cette exclusion peut-elle s’opérer dans la réalité complexe, mêlée et bigarrée du monde actuel, surtout du monde arabo-musulman contemporain ?
Premier élément nécessaire pour vivre l’exclusion, pour pouvoir se retrancher du monde corrompu par les syncrétismes et les « compromissions » : le « Youth Bulge », le trop-plein démographique, tel qu’il a été théorisé par le chercheur allemand Gunnar Heinsohn, disciple du démographe français Gaston Bouthoul. Le « Youth Bulge » procède du « Children Bulge » mais concerne plus spécifiquement la masse excédentaire des jeunes mâles de 15 à 30 ans, que la société ne peut absorber, ne peut encadrer : ces masses sont alors déclassées, mouvantes, mobilisables pour bon nombre de causes violentes. Elles consistent en une réserve militaire pour les Etats ou pour les mouvements intérieurs révolutionnaires. Le « Youth Bulge » est animé par la colère de ses innombrables ressortissants, qui reprochent aux institutions étatiques et politiques existantes de les avoir déclassés dans une société en voie d’urbanisation croissante, où l’exode rural vers les villes détache des millions de jeunes de leur cocon communautaire et villageois initial. C’est un phénomène, doublé d’un sentiment douloureux d’arrachement, que l’Europe a connu également dans le sillage de la révolution industrielle et de l’urbanisation dès la seconde moitié du 19ème siècle. Les mégapoles du tiers-monde, déstabilisées par le « Youth Bulge », se retrouvent partout : dans le monde islamique à Téhéran et à Beyrouth, en Afrique islamisée au Nigéria, à Lagos, en Amérique latine au Brésil ou au Mexique. En miniature, les banlieues françaises reproduisent ce schéma. Le chiffre de la population en Amérique latine a été multiplié par 7,5 entre 1900 et 2000, celui de la population de l’aire islamique par 8. En Europe, à cause des saignées qu’ont constituées les deux guerres mondiales ou de l’émigration massive vers l’Amérique du Nord, l’Australie ou l’Argentine, il n’y a plus de « Youth Bulge », plus de masse mobilisable pour une entreprise politico-guerrière de grande envergure ou pour une révolution totale.
Dans les bidonvilles, les camps de réfugiés, les HLM, etc., qui réceptionnent la misère et le désarroi du « Youth Bulge », le fondamentalisme organise des réseaux sociaux et caritatifs, soulageant la misère morale et physique des déclassés. C’est le cas du Hezbollah au Liban ou du Hamas dans la Bande de Gaza. Les déclassés deviennent ainsi redevables, sont les créanciers moraux des mouvements fondamentalistes, et constituent dès lors une réserve de volontaires pour des actions purement politiques voire terroristes. Le « Youth Bulge » permet l’éclosion d’une masse démographique qui va d’abord viser la rupture avec le consensus dominant, à l’aide d’une idéologie radicale, et va ensuite créer une poche sociale « autarcisée » au sein des sociétés en place, qui se militarisera et amorcera le combat, contre l’Autorité palestinienne en Cisjordanie ou à Gaza aujourd’hui, contre le pouvoir du Shah hier ou contre le pouvoir légitime libanais, etc.
Une démarche religieuse et rigoriste très ancienne
Mais quelle est l’idéologie proprement dite de ce fondamentalisme islamique, celui qui préoccupe les plus nos contemporains ? Cette idéologie est très ancienne et cette ancienneté appelle une remarque préliminaire : le temps des fondamentalistes n’est pas le temps des hommes modernes. En d’autres termes, fondamentalistes et modernistes ne perçoivent pas le temps (historique) de la même façon. Dans ce contexte, la perception fondamentaliste du temps est une force : pour l’homme moderne, il « coule », « s’écoule » et rien ne revient jamais. Pour une société traditionnelle classique ou pour une société qui souhaite, par tous les moyens, revenir à des canons traditionnels, le temps passé est toujours présent : nous verrons qu’en Iran, les foules se battent toujours pour venger Ali ou Husseyn, les martyrs du chiisme duodécimain, et que les wahhabites saoudiens entendent vivre exactement comme à l’époque du prophète Mohammed, ou, du moins, hissent au niveau d’idéal indépassable le mode de vie arabe de cette époque éloignée.
Le temps avance, des mutations s’opèrent, des nouveautés venues d’autres horizons modifient les critères habituels de vie et, forcément, les Etats, royaumes ou empires islamiques adoptent, comme tous les autres, des éléments non arabes/non traditionnels, par syncrétisme et par nécessité. A un certain moment, à intervalles réguliers dans l’histoire du monde arabo-musulman, des esprits vont s’insurger contre ces syncrétismes, posés comme « impies ». Immédiatement après la première vague des conquêtes islamiques, après les batailles de Poitiers (732), où les Austrasiens de Charles Martel arrêtent la déferlante arabe, et de Talas (751), où le choc entre les armées musulmanes et chinoises tourne à l’avantage des premières mais résulte finalement en un statu quo territorial, nous assistons à un rejet des syncrétismes islamo-grecs, dans les anciens territoires soumis à Byzance, et des syncrétismes islamo-persans, dans l’aire des anciens empires perses.
Premier pilier du fondamentalisme contemporain : le fondamentalisme puriste d’Achmad Ibn Hanbal et de Taqi Ad-Dinn Ibn Taymiyah
Le théoricien de ce rejet est Achmad Ibn Hanbal (780-855), fondateur d’une tradition que l’on appelle de son nom, le « hanbalisme », principale source d’inspiration des mouvements dits « salafistes » en Afrique du Nord. Ibn Hanbal aura un disciple, Taqi Ad-Dinn Ibn Taymiyah (1263-1328), qui exhortera ses contemporains à imiter son maître. Le hanbalisme repose sur quatre piliers :
◊ 1. Il ne faut pas utiliser de concepts philosophiques d’origine grecque ou persane dans l’islam. Ibn Hanbal refusait par conséquent tout glissement des institutions ou des pratiques vers des modèles byzantins ou perses, notamment dans les zones arabo-sémitiques de Syrie (ex-byzantines) et de Mésopotamie (ex-persanes). Ses disciples et lui ont été probablement alarmés de voir la Perse islamisée se « re-persifier » à partir du règne des dynasties bouyide et samanide (entre le 9ème et le 11ème siècle).
◊ 2. Il faut interpréter le Coran de manière littérale, sans apporter d’innovations car celles-ci pourraient charrier des éléments hellénisants ou perses, chrétiens ou zoroastriens.
◊ 3. Le croyant ne peut avoir d’ « interprétation personnelle » du message coranique, basée sur une « faculté de jugement » qu’il possèderait de manière innée. Les hanbalistes ne tolèrent aucune spéculation au départ du texte du Coran (ils s’opposeront ainsi à la tradition mystique d’un Ibn Arabî).
◊ 4. Les hanbalistes s’opposeront de même à toutes les formes de soufisme (sauf les formes simplifiées et abâtardies de soufisme, inspirées par les déobandistes au Pakistan, qui sont des fondamentalistes particulièrement virulents), parce que le soufisme véhicule des idées européennes, grecques, turques, mongoles, chamaniques ou perses, toutes antérieures à l’islam des origines.
Naipaul, Prix Nobel de littérature en 2007, déplore l’imitation des modes vestimentaires saoudiennes, préconisée par les fondamentalistes musulmans d’Indonésie et d’ailleurs, au nom de la « pureté » du message. Ces démarches vestimentaires indiquent une volonté de sortir du cadre indonésien initial, vernaculaire, pour adopter des façons de vivre étrangères, exotiques, au nom d’une foi figée et sourde aux différences du monde et, pire, à la différence que représente le vivier naturel des Indonésiens. Ce travers, dénoncé par Naipaul, se retrouve dans les banlieues d’Europe, et sert à marquer du sceau du hanbalisme, du salafisme ou du wahhabisme les villes européennes hébergeant de fortes minorités arabo-musulmanes.
Muhammad Ibn Al-Wahhab et le wahhabisme saoudien
La deuxième source du fondamentalisme islamique actuel est le wahhabisme saoudien, qui trouve son origine dans l’interprétation religieuse de Muhammad Ibn Al-Wahhab, né vers 1703, dans la province du Nedjd, au centre de la péninsule arabique. Une bonne compréhension de l’histoire du fondamentalisme islamique implique de connaître les subdivisions géographiques de la péninsule arabique :
Au Nord-Ouest, nous avons le Hedjaz, patrie de Hussein, allié des Britanniques pendant la première guerre mondiale. Son fils Fayçal combat sous la direction avisée de l’officier anglais T. E. Lawrence, dit « d’Arabie », envoyé par le « Bureau du Caire » pour lutter contre la présence turque ottomane. Le Hedjaz abrite les lieux saints de l’islam et professe un sunnisme non wahhabite. De la famille dominante de cette région sont issus les rois d’Irak (jusqu’en 1958) et de Jordanie.
Au Nord-Est et au Sud du Koweït se trouve la province d’Hassa, riche en pétrole mais à majorité chiite, donc hostile au wahhabisme saoudien. Cette province est proche des zones chiites de l’Irak et de la frontière iranienne.
Au Sud-Ouest, nous avons, au Nord du Yémen, la province d’Assir, sunnite mais pro-chiite, avec une extension dans le nord du Yémen, autour de la ville de Sanaa (ndlr : zone entrée en ébullition fin 2009).
Au centre, nous avons le Nedjd, dominé par le clan des Saoud, hostile aux sunnites du Hedjaz (pour des raisons tribales et pour une question de préséance) et aux chiites du Hassa. Les Saoudiens n’ont pas été les alliés des Britanniques lors de la première guerre mondiale : ils auraient pu le devenir si le « Bureau de Delhi » avait reçu le feu vert des autorités de Londres au lieu du « Bureau du Caire ». Les stratégistes de l’état-major anglais ont estimé à l’époque que les tribus du Hedjaz étaient plus proches du terrain, notamment du port d’Akaba, qu’elles prendront d’ailleurs avec Lawrence, et pouvaient aussi intervenir plus rapidement contre les voies du chemin de fer ottoman conduisant de Damas à Jérusalem et aux villes saintes. En pariant sur ces tribus, proches et disponibles, les Anglais pouvaient disloquer les communications ferroviaires ottomanes et contrecarrer l’acheminement de renforts turcs en direction de l’Egypte, du Canal de Suez et de la Mer Rouge.
Revenons à Muhammad Ibn Al-Wahhab. Son intention était de réactiver la tradition hanbaliste et de l’appliquer dans sa pureté doctrinale dans toute la péninsule arabique, terre initiale de l’islam émergeant au temps du Prophète. Cette intention s’inscrit dans un contexte historique bien particulier : l’empire ottoman est sur le déclin. Il a été ébranlé en ses tréfonds par les coups de butoir que lui ont asséné les armées impériales austro-hongroises du Prince Eugène de Savoie-Carignan. L’effondrement ottoman signifie, aux yeux d’Al-Wahhab et de ses contemporains, la faillite d’une synthèse, d’un syncrétisme islamo-turco-byzantin. Ils perçoivent dès lors cet effondrement comme une punition divine : les musulmans ont renoncé à la pureté coranique, ont adopté partiellement ou entièrement des mœurs, des coutumes ou des pratiques non arabiques, par conséquent, Dieu les a punis de leur infidélité et a donné, pour les mettre à l’épreuve, la victoire aux armes chrétiennes. Le premier souci d’Al-Wahhab est donc de revenir à la « tradition », à l’imitation pure et simple de l’islam initial, afin de redonner aux Arabes péninsulaires l’impulsion vitale qui avait sous-tendu leurs premières conquêtes contre les Perses et les Byzantins au 7ème siècle.
Sur le plan du culte, Al-Wahhab constate qu’il est désormais grevé d’impuretés et que les Arabes de son temps, dans la péninsule même qui a vu l’émergence de l’islam, reviennent à des rites pré-islamiques, notamment en retrouvant divers objets de culte, que le purisme wahhabite considèrera comme des manifestations d’idolâtrie.
Al-Wahhab justifie ensuite l’usage de la terreur, une terreur qui n’est pas tant dirigée contre les non musulmans mais essentiellement contre les chiites de la péninsule arabique. Il faut trouver là l’origine de plusieurs conflits contemporains : la rivalité arabo-perse dans le Hassa et le sud de l’Irak, les conflits internes à l’Irak disloqué depuis l’invasion américaine, le conflit dans la péninsule arabique elle-même entre crypto-chiites de l’Assir et du Nord du Yémen, d’une part, et sunnites wahhabites, d’autre part, les réticences à l’endroit du pouvoir saoudien dans la province pétrolifère du Hassa, etc.
Dans le cadre de cette hostilité fondamentale à toutes les manifestations de chiisme dans la péninsule arabique, Al-Wahhab s’insurge contre les pèlerinages vers des lieux sacrés (différents de ceux du Hedjaz, destination du « hadj » islamique), car ces pèlerinages vers des tombeaux de saints ou de poètes sont une pratique essentiellement chiite. L’objectif d’Al-Wahhab, outre théologique et religieux stricto sensu, est de purger la péninsule de toute force susceptible d’être activée par l’ennemi perse pluriséculaire. Normal : l’empire ottoman, affaibli et contraint de mobiliser toutes ses forces contre la Russie qui entend avancer ses pions en direction du Danube et des Balkans, de la côte septentrionale de la Mer Noire et du Caucase, est dans l’incapacité de s’opposer efficacement aux menées wahhabites dans un espace quasi désertique de moindre importance stratégique, où les Anglais n’ont pas encore débarqué au Yémen (ce qu’il feront quelques années après Waterloo et la fin de l’épopée napoléonienne). L’ennemi potentiel perse demeure au regard d’Al-Wahhab le danger principal : c’est lui qui pourrait déboucher dans la péninsule arabique en profitant des faiblesses ottomanes et y remplacer le pouvoir sunnite abâtardi de la Sublime Porte par un pouvoir chiite, après annexion des zones chiites de la Mésopotamie méridionale et du Hassa.
Pour donner forme à ce retour à la pureté imaginaire d’un islam initial, Al-Wahhab demande à ses adeptes de traquer toutes les formes de religiosité au quotidien qu’il assimile à de l’idolâtrie ou à de mauvaises pratiques ou, plus simplement encore, à des pratiques inconnues au temps du Prophète : chapelets, tabac, musique et danse sont interdits. Pour la musique, signalons tout de même que la quintessence de l’identité européenne, au-delà de la culture classique et des éléments de christianisme qui l’ont modifiée, se manifeste, à partir de Jean-Sébastien Bach, dans la musique classique, une musique que ne goûtaient guère les puritains protestants. Une transposition de cette phobie hostile à la musique en Europe occidentale constituerait une attaque inacceptable contre l’identité européenne. L’interdiction de la danse vise essentiellement une tradition turco-mongole et chamanique incluse dans les pratiques de l’islam en territoire ottoman, sous la forme de la chorégraphie sacrée des derviches, notamment des derviches tourneurs de Konya en Anatolie. Enfin, Al-Wahhab préconise le port obligatoire de la barbe pour les hommes, pratique que reprennent les fondamentalistes déclassés de nos cités et banlieues, dans un esprit de « monstration » et d’exhibitionnisme purement exotérique. On constate également que musique, dessin, danse et gymnastique se voient parfois régulièrement rejetés par des élèves directement ou indirectement influencés par le wahhabisme ou le salafisme dans nos écoles.
Le mouvement Ikhwan en Arabie Saoudite
Dans le cadre du wahhabisme, il convient de citer, à titre de troisième pilier du fondamentalisme islamique contemporain, le mouvement « Ikhwan » dans l’Arabie Saoudite du 20ème siècle. Al-Wahhab et les ancêtres des Saoud avaient été les alliés de Napoléon contre les Anglais qui s’étaient assurés le soutien des Ottomans et des Perses. Après la défaite de Napoléon à Waterloo, les Ottomans et les Egyptiens vont se venger cruellement : au début du 19ème siècle, la péninsule arabique a été littéralement ratiboisée par les armées ottomanes et égyptiennes, qui comblent les puits, ravagent les agglomérations et massacrent un bon nombre d’habitants. La péninsule sombre alors dans l’anarchie, pour quelques décennies. Ibn Séoud, souverain d’un territoire tribal jouxtant le Nedjd, impulsera la renaissance de l’arabisme péninsulaire et du wahhabisme. Son ouvre politique de reconquête et de réorganisation d’une péninsule ravagée par la vengeance ottomane et égyptienne commencera par la soumission à son autorité du territoire du Nedjd. A partir de ce moment-là, Ibn Séoud réorganise politiquement le cœur de la péninsule arabique. Deux historiens célèbres de l’entre-deux-guerres, qui lui consacreront des ouvrages serrés et copieux, le Français Jacques Benoist-Méchin et l’Allemand Anton Zischka, jugent l’œuvre d’Ibn Séoud très positive, dans la mesure où ce souverain avisé a admis que le nomadisme traditionnel des Arabes péninsulaires ne générait que l’anarchie et a voulu, de ce fait, sédentariser les tribus, en lançant un programme de sédentarisation porté par l’idée d’un soldat/colon, animé par le rigorisme wahhabite. Ce mouvement s’appelle l’Ikhwan : il militarise la religion d’une manière plus systématique et encadre plus positivement l’impétuosité tribale des Arabes péninsulaires ; Ben Laden s’en inspirera, à la suite des Palestiniens des années 30, dont le premier mouvement de résistance armée, contre les sionistes et les Britanniques, s’appellera l’ « Ikhwan Al-Qassam », ou « Fraternité militaire Al-Qassam », du nom d’un combattant tombé dans une embuscade de l’armée anglaise. Cependant, le mouvement —qui s’apparente in fine à des mouvements similaires de colonisation agricole de zones en friche en Europe, notamment celui des Artamanen en Allemagne ou dans les zones de Pologne ou de Roumanie, où s’étaient implantées des minorités paysannes allemandes, ou au sionisme militant des premiers kibboutzim— sera immédiatement dissous, dès la victoire totale d’Ibn Séoud sur l’ensemble de la péninsule arabique, dès la réémergence d’un Etat saoudien dans les frontières qu’on lui connaît encore aujourd’hui.
Les frères musulmans en Egypte
Quatrième pilier du fondamentalisme islamique actuel et source d’inspiration de ses émules contemporaines : le mouvement des frères musulmans, né en Egypte à la fin des années 40. Son fondateur fut Hassan Al-Banna. Son objectif ? Mettre fin à l’inféodation à l’Occident des pays arabes, avec l’instrument de la ré-islamisation, portée par une « phalange » (kata’ib). L’idéologie baptisée « phalange » est donc islamiste en Egypte, alors qu’elle est chrétienne maronite au Liban et inspirée par la Phalange catholique espagnole. En 1949, Al-Banna est abattu par la police dans la rue, lors d’une manifestation où la foule lynchait des soldats britanniques. Détail intéressant à noter : Al-Banna a été au départ un intellectuel occidentalisé, qui avait étudié aux Etats-Unis. A son retour en Egypte, il rejette l’occidentalisation, plaide pour un retour à un rigorisme islamique strict. Dans un premier temps, il sympathise avec les « officiers libres » rassemblés autour de Gamal Abdel Nasser puis s’opposera à celui-ci qui devra affronter deux adversaires : les frères musulmans et les communistes. Ces deux forces feront donc cause commune contre Nasser, ennemi des Etats-Unis.
Les frères musulmans constitueront toutefois la principale force anti-nassérienne. Le leader nationaliste égyptien s’inspirait des nationalismes européens du 20ème siècle, ce qui, aux yeux des rigoristes musulmans, constituait une démarche « impure ». Résultat : les frères musulmans combattent ce régime national arabe, parce qu’il est syncrétisme, et deviennent ipso facto, volens nolens, les alliés objectifs des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et d’Israël. Leurs actions ont notamment empêché l’Egypte de devenir le leader naturel du monde arabe après la défaite de 1967, face à l’armée du général israélien Moshe Dayan.
L’Egypte des années 50 et 60 a été le théâtre d’une guerre civile larvée. En 1955, un an après la montée au pouvoir des « officiers libres » et de Nasser, le mouvement des frères musulmans est dissous. Plusieurs exécutions s’ensuivent. Le nouveau leader des frères musulmans, après la mort d’Al-Banna, a été Sayyib Qutb (1906-1966). Il oriente le discours des frères musulmans vers une forme originale d’islamo-socialisme, avec références hanbalistes. La grande innovation de son discours est l’appel à la djihad contre les gouvernements musulmans jugés « déviants » ou « hérétiques » : cette approche, propre de la pensée de Qutb, inspire encore et toujours les djihadistes marocains et algériens (FIS) et les fondamentalistes saoudiens s’inscrivant dans le sillage de Ben Laden. Cette notion de djihad et ce soupçon permanent jeté sur les formes contemporaines d’Etat dans le monde arabo-musulman est un facteur de guerre civile systématique. Animés par cet esprit djihadiste, les adeptes de Qutb s’opposent donc à Nasser, qui finit par emprisonner, juger et condamner à mort leur leader. Sayyib Qutb est pendu en 1966. Cette exécution ne résout nullement le problème politique des frères musulmans en Egypte : ils demeurent un facteur dangereux pour l’Etat égyptien.
CONCLUSION :
Tout esprit européen animé par ce que j’appelerais ici un « rationalisme vitaliste/historique » peut comprendre l’importance et la pertinence d’un fondamentalisme islamiste dans la péninsule arabique, ou du moins en son centre, le Nedjd, car, de toute évidence, l’islam des origines et l’œuvre politique d’Ibn Séoud, participe d’une logique vitale, d’une volonté rationnelle et intelligente de désenclavement des tribus autochtones du Nedjd. Un débordement hors du Nedjd mais limité à la péninsule arabique, également comme du temps de Mohammed ou du temps d’Ibn Séoud, peut s’expliquer par la volonté d’abriter la péninsule tout entière des convoitises étrangères, d’y sécuriser les voies de communication caravanières et de l’arracher à tout dissensus religieux. Hors de cette péninsule, il est impossible d’exiger le purisme hanbaliste ou wahhabite, sous peine de disloquer des stabilités existantes, comme le constataient les dirigeants égyptiens ou ottomans au début du 19ème siècle, quand ils ont ordonné leur œuvre de destruction dans la péninsule arabique. Les nationalismes arabes, transconfessionnels dans des pays à large majorité musulmane ou au sein de la nation palestinienne plurielle et disloquée, participaient d’une rationalité politique « vendable » en dehors de l’écoumène arabo-musulman, dans le contexte des Nations Unies, de l’UNESCO ou de l’OMS, ou, antérieurement à celles-ci, aux diverses instances internationales, comme l’Union Postale, etc.
Tout pays arabe, sans renoncer à l’Islam mais sans pour autant le « fondamentaliser », pouvait devenir un interlocuteur valable dans le concert des nations. Tout pays, recourant à des fondamentalismes, se place en dehors du concert international, c’est-à-dire en dehors du concert des nations indépendantes et souveraines. Les Etats-Unis, en laissant une large place au fondamentalisme protestant et en déchainant le fondamentalisme néolibéral, en créant, de toutes pièces et de concert avec des éléments saoudiens, un nouveau fondamentalisme islamiste, sunnite et wahhabite en Afghanistan pour lutter contre l’URSS, sont les premiers responsables de la dislocation de ce concert d’entre les nations. Les Etats-Unis ont certes été la puissance instigatrice de la formation des Nations Unies, de l’UNESCO et de l’OMS : ils ont aussi été les premiers à les dénoncer et les rejeter, lorsque ces instances contrariaient leurs projets ou constituaient un frein à la pandémie néolibérale qu’ils appelaient de leurs vœux. Les fondamentalistes islamistes qui poursuivent leurs actions, à la suite des encouragements américains, contre les Etats nationaux arabes ou musulmans, participent à la logique qui sous-tend la Doctrine Bernard Lewis, reprise par Zbigniew Brzezinski : c’est une doctrine qui vise la balkanisation maximale de tout le Grand Moyen Orient (Corne de l’Afrique comprise). On le voit en Somalie, Etat failli et disloqué, partagé en trois morceaux, un Nord, un Puntland et un Sud. On le voit dans la guerre civile larvée entre Fatah et Hamas dans l’entité palestinienne et à Gaza. On le voit au Liban depuis 1975. On le voit en Irak, où le pays est virtuellement divisé en trois entités antagonistes. Enfin, on s’en aperçoit lorsque circule la carte-projet de Ralph Peters, un stratégiste américain, issu de l’écurie néo-conservatrice de l’équipe Bush II. Peters entend « redessiner le Moyen Orient », de la Méditerranée à l’Indus, en créant de nouvelles entités étatiques comme le « Kurdistan libre », le Baloutchistan, en unissant le Hassa et le Koweït, les provinces chiites de l’Irak et le Khouzistan arabophone d’Iran, aux dépens de l’Iran, de la Turquie, du Pakistan et de la Syrie, tout en démantelant l’Arabie saoudite. L’objectif avoué ? Eliminer les frontières de sang, en rassemblant ethnies et confessions au sein d’identités étatiques homogènes. Or cette homogénéité n’a jamais existé au Moyen Orient et même le moins informé des stratégistes américains d’aujourd’hui doit le savoir. Dès la fin de la protohistoire, les peuples s’y sont télescopés, y ont fusionné, créant de la sorte une macédoine inextricable qu’aucun intellectuel, fût-il un élu de l’équipe Bush II, ne pourra jamais démêler en dessinant une nouvelle carte. La fragmentation des entités existantes créera non pas la paix mais sera source de nouveaux conflits et de nouveaux irrédentismes. La solution pour le Moyen Orient est une solution impériale et syncrétique qui ne pourrait tolérer ni le « fragmentationnisme » ni le fondamentalisme, qui en est le vecteur idéal aux yeux de ceux qui, justement, veulent la fragmentation totale.
Enfin, last but not least, les nations européennes ne peuvent tolérer de voir leurs héritages, coutumes, pratiques quotidiennes, modes d’enseignement, traditions philosophiques, modes alimentaires ou culinaires, etc. rejetés et démonisés au nom de la notion de « jalilliyah », surtout sur le territoire européen lui-même. Si le racisme, en tant que rejet de coutumes non condamnables sur le plan moral ou éthique, de personnes concrètes, ou en tant qu’a priori, est une attitude à maîtriser et à houspiller hors des règles de bienséance conviviale ou diplomatique, une notion comme celle de « jalilliyah », qui rejette, elle aussi, des modes de vie non condamnables sur les plans éthique et moral, diabolise des personnes et véhicule des a priori non fondés ou veut les faire traduire dans la réalité quotidienne par des attitudes violentes, doit retenir l’attention égale, sinon plus vigilante, du législateur, vu sa virulence plus grande, en l’état actuel des choses, que le vieux racisme, battu en brèche et en réel recul.
Robert STEUCKERS ;
(rédaction finale : février 2009).
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mercredi, 17 février 2010
Islamfundamentalismus, öl und angelsächsische Weltmächte
Robert STEUCKERS:
Islamfundamentalismus, Öl und angelsächsische Weltmächte
Auszug aus einer Rede - Gehalten in Bayreuth für die Gesellschaft für Freie Publizistik (April 2006)
Eine erste Idee, um das Thema „Sturm auf Europa“ hier einzuleiten: Dem Rest der Welt gegenüber, sagen einige falschen Propheten Europas, sollte man die Strategie des Igels wählen. Das könnte zwar eine gute Idee sein, um seine Kräfte zu versammeln, ohne messianisch wie die VSA, anderen Völkern unsere Prinzipien oder politischen Modellen aufpropfen zu wollen und dabei unsere Grenzen zu verriegeln, um eine gefürchtete „Umvolkung“ zu vermeiden. Aber gezwungen sind wir alle doch, festzustellen, dass es dem Igel an Bewegungskraft fehlt. Genauso wie Admiral Tirpitz und der Geopolitiker Ratzel einst sagten, brauchen die Kontinentalmächte schwimmen zu können, also sich der Weite der Weltozeanen zu öffnen. Jetzt brauchen sie auch fliegen zu können, d. h. ihre Luftwaffekapazitäten zu entwickeln, und eben auch sehr hoch zu fliegen, bis zu den stratosphärischen Ebenen, da Gesamteuropa strategische Trabanten ziviler und militärischer Nützlichkeit braucht, um in der künftigen Welt konkurrenzfähig zu werden.
Eine zweite Idee, um das heutige Thema nochmals einzuleiten: Die Notwendigkeit, die Sachlage kühl, sachlich, ohne Floskelngefühle jeder Art zu analysieren. Die Hauptfrage zu beantworten kann wirklich ohne Panik oder Schadenfreude passieren. Es genügt zu fragen: Wie funktioniert dieser „Sturm“? Die Antwort sollte aus Sachen, Fakten und ohne fromme Wünsche bestehen. Hier ein Paar Beispiele:
- Die Immigration aus afrikanischen bzw. arabisch-islamischen Ländern ist zwar ein Problem ungeheueren Umfangs, sie bleibt trotzdem ein Problem zweiten Ranges, da sie nicht als ein Phänomen an sich betrachtet werden sollte, sondern als das effizientste Instrument des Hauptfeindes. Darf man also wie Samuel Huntington von einem Gegeneinanderprallen von Kulturen sprechen? Meine Antwort ist : Jein! Gegen diejenigen, die Huntington banalisieren oder vulgarisieren, sage ich, dass ein solches Gegeneinanderprallen der Kulturen immer schon da war, und hat, was Europa und den Islam betrifft, fast ein Jahrtausend gedauert. Nur diejenigen, die kein historisches Gedächtnis mehr haben, werden der „Clash“ Huntingtonscher Prägung, als eine Neuheit empfinden. Gegen diejenigen, die Huntingtons Hauptthese total im Namen des politisch-korrekten Universalismus ablehnen und als „neo-Spenglerisch“ oder als „neokonservativer Parafaschismus“ bestempeln, sage ich, dass es eben Amerika ist, die diesen „Clash“ heute inszeniert, um Europa und Russland der islamischen Welt gegenüber zu schwächen. Ich will hier einen Mittelweg suggerieren: Der Begriff des „Clash of Civilizations“ zwischen Europa oder Russland einerseits und der islamischen Welt andererseits, ist zwar eine nicht zu leugnende Wirklichkeit, aber der Ursprung dieses Konfliktes heute befindet sich nicht im Islam selbst sondern wird von Pentagon-Strategen ferngesteuert. Der Islam ist ein Feind Europas und Russlands heute geworden, aber nur indem er ein Bundgenosse des Hauptfeindes Amerika ist.
- Hauptfeind bleibt noch immer Amerika, als Seemacht, als neues Karthago, wie Carl Schmitt so treffend analysiert hat. Warum? Weil Amerika noch stets Territorien oder Seeräume in Europa besetzt. Weil Amerika Satelliten im Weltall schickt, um unsere militärische und zivile Tätigkeiten zu beobachten und zu spionieren. Weil Strategien der Charakterwäsche noch immer in Deutschland wie überall in Europa angewendet werden, wie damals Caspar von Schrenck-Notzing sie meisterhaft entlarvt hatte. Die weltweite Medienmanipulation macht es unmöglich, einen unabhängigen Blick auf die Weltereignisse zu werfen. Die Mediendominanz Amerikas, mit CNN und andere mächtige Presseagenturen, erlaubt die einzig gebliebene Supermacht, Greuelpropaganda zu verbreiten, damit spontan die Ziele Washingtons als das Gute schlechthin angenommen werden. Beispiele gibt es in Hülle und Fülle: Die Massaker von Timisoara/Temeschburg zur Zeit des Ceaucescu-Sturzes, wo die gezeigten Leichen aus den Kühlschränken des Uni-Krankenhauses oder aus frischen Gräbern kamen; die Flüchtlinge, die im Kosovo ständig vorbeipassierten und die eigentlich immer die gleichen Bilder und Menschen waren, die aus anderen Winkeln technisch-filmisch aufgenommen wurden; die von serbischen Schergen angeblich gegrabenen Massengräber, die kein medischer UNO-Ausschuss je gefunden hat; die Säuglinge, die die Soldaten Saddam Husseins in Kuweit angeblich massakriert hätten, indem sie die elektrischen Stecker der Brutinstrumente ausgerissen hatten. Die Liste ist selbstverständlich hier weit unvollständig. Solange solche Manipulationen inszeniert werden oder bloss möglich bleiben, um die Interessen Europas oder Russlands zu torpedieren, bleiben unsere Völker unfrei, ihr weiteres Schicksal zu gestalten. Die europäischen Staaten sind unfähig, ihre eigene Ziele und Interessen ihren eigenen Bürgern in einer eigenen Mediensprache deutlich zu machen. Deshalb, und solange eine solche Sachlage herrscht, kann man kühl und sachlich feststellen, dass ihr Status den Status von Marionnetten-Staaten ist. Wir sind die Hampelmännchen und -frauen von Marionnetten-Staaten und keine Bürger von normal funktionierenden Staatswesen.
- Die Energiepolitik der Vereinigten Staaten zielte immer darauf, eine Maximisierung des Öl-Konsums zu erreichen. Man kann es die „Politik des Nur-Öls“ nennen. Diese Option hat als Ursprung das blosse Fakt, dass das konsumierte Öl in der Welt bis 1945 hauptsächlich aus den Vereinigten Staaten kam. Die VSA waren also die Hauptlieferanten dieses Rohstoffes in der Welt und verstanden daraus, dass dieser Rohstoff ihr besseres Instrument werden könnte, um allerlei strategische Vorteile zu gewinnen. Lange Zeit haben die Vereinigten Staaten ihr eigenes Öl als Reserve bewahrt, um strategische Trümpfe im Falle von Weltkriegen zu halten. Ziel der Propagandafeldzüge jeder Schattierung wurde stets, es zu vermeiden, dass andere Mächte solche Reserven oder Reserven anderer Art aufstapelten. Die „Nur-Öl-Politik“ Washingtons war gegen jede energetische Diversifikation gerichtet. Wenn Völker ihre Energie-Quellen vervielfachen, schaffen sie die Bedingungen einer Unabhängigkeit, die die Vereinigten Staaten nicht tolerieren können, da sie für immer Hauptlieferanten auf dieser Erde bleiben wollten. Jetzt stellt sich die Frage über die reale oder angebliche Ölknappheit in der heutigen Welt. Werden wir bald einen „pick“ erleben, nachdem die Reserven sich allmählich ausschöpfen werden? Gibt es Reserven etwa in Mittelafrika oder in Alaska, die die Wichtigkeit der saudischen Reserven bald relativieren wurden? Die Frage bleibt selbstverständlich offen. Sicher ist aber das die Amerikaner so viele Ölfelder in den Händen ihrer eigenen Ölgesellschaften sehen wollen, um Meister dieser Rohstoffsquellen so lang wie möglich zu bleiben und die Wirtschaftslage der trabantisierten Völker zu kontrollieren und, wenn nötig, zu erdrosseln. Würden diese Völker energetisch durch Diversifikation unabhängig und frei, wäre eine solche Erdrosselung nicht möglich.
- Sehr früh, sofort es sicher war, dass die Ölreserven der arabischen Halbinsel die umfangreichsten der Welt waren, hat die amerikanischen Führung unter Franklin Delano Roosevelt ein Bündnis mit dem saudischen König Ibn Saud geschmiedet. Der US-Präsident und der arabische König trafen sich am Bord des US-Kriegsschiffes USS Quincy im Roten Meer. Dort wurde schon vor der deutschen Niederlage eben dieses Bündnis mit einem fundamentalistisch-wahhabitischen Königreich Wirklichkeit. Die geistige Lage in diesem Königreich war ganz anders als im mehr oder weniger islamisierten oder schiitischen Persien oder als im Ottomanischen Reich. Beide Reiche waren alte staatliche Strukturen, die religiös bunt waren und die auch Elemente aus anderen Quellen als aus denjenigen arabisch-islamischer Herkunft eingebürgert oder Formen des Islams wie der Sufismus oder die Mystik entwickelt und gefördert hatten. Für die wahhabitischen Saudi-Araber waren alle diese Beimischungen zoroastrisch-persischer, byzantinisch-griechischer oder schamanisch-zentralasiatisch-türkischer Herkunft ketzerisch oder unrein. Diese kulturtragenden Beimischungen wurden durch den Wahhabismus abgelehnt, zur Gelegenheit zerstört oder systematisch als Ketzerei abgetan. Nach Roosevelt und Nachfolger, sei dabei doch ironisch erwähnt, hätten alle Völker der Erde die Menschenrechte volens nolens übernehmen sollen (besonders in ihre spätere San-Francisco-Verfassung des Jahres 1948), nicht als tatkräftige eingewurzelte Rechte historischen Ursprungs sondern als auflösende Keime gegen jede geschichtlich gewachsene nicht amerikanisierte Institution (dieser letzte Terminus benutze ich hier im Sinne Arnold Gehlens); diese Menschenrechte sollten in einer zweiten Stufe dazu dienen, in aller Ecken der Welt eine amerikanisierte nicht heimatliche Pseudo-Demokratie zu stützen, und diese sollte überall gelten, nur nicht in Saudi-Arabien. Der Fall zeugt von einer evidenten Doppelmoral: Die amerikanische Führung glaubt nicht an den Menschenrechte als ob diese eine Art ziviler Ersatzreligion wären, sondern benutzen diese Ideologie, um feindliche oder konkurrierende Staaten zu schwächen, und tolerieren die grobsten Kränkungen dieser Menschenrechte, wenn ihre Interessen damit gedient werden.
- Die Allianz zwischen den Vereinigten Staaten und dem Saudi-Islamismus basiert sich auf einer „Insurgency-Strategie“. Mit saudischen Geldern werden Erhebungen islamitischer Ideologie veranstaltet sowie im Afghanistan gegen das Regime, das die Sowjets damals unterstützten, oder in Bosnien und Kosovo, zur Zeit Clintons und Albrights, um Unruheherde in Europa permanent zu schaffen, oder in Tschetschenien, um Russland im Gebiet des Nordkaukasus auszuschalten. Jedesmal gab es saudische Gelder, um die afghanischen Mudschahiddin oder Talibane, die bosnischen Verbände oder die UCK-Milizionäre oder die tschetschenischen Terroristen zu finanzieren. Auf jedem Kampfgebiete fanden Beobachter saudische Kriegsherren oder Freiwilligen. Die Ziele dieser Insurgency-Kämpfe entsprachen immer die geopolitischen Stossrichtungen die Washington sich wünschte. Die islamfundamentalistische Gefahr entspricht also schlicht ein Instrument des US-Imperialismus. Ohne amerikanische Deckung des saudischen-wahhabitischen Systems, hätten diese Erhebungen nie stattgefunden. Afghanistan wäre ein Trabant der Sowjetunion bzw. Russland geblieben. Serben und Kroaten hätten sich Bosnien geteilt. Der Kosovo-Krieg hätte nie stattgefunden. Tschetschenien und Daghestan wären ruhig geblieben. Bin Laden war letztes Endes ein Söldner Amerikas; deshalb vielleicht konnte er so einfach verschwinden, derweil sein Mitkämpfer der Mullah Omar mit einem Motorrad entwischen konnte, ohne dass die Satteliten der amerikanischen Streitkräfte oder der allwissenden NSA-Agentur, die uns hier alle sehen können, dieses verdammte Motorrad mit dem bösen Mullah drauf entdecken konnten! Vielleicht eine unerwartete Panne, eben am diesen Tag!
Bin Laden, der Mullah Omar, der Bassajew in Tschetschenien und die vielen anderen treiben also was man im militärischen Jargon seit Lawrence of Arabia eine „Insurgency“ auf abseitigen Gebieten um den Hauptfeind zu destabilisieren. Die Immigration innerhalb der europäischen Staaten heute dient dazu, und nur dazu, einen künftigen Insurgency-Krieg im Herzen unseres Kontinents zu leiten. Die breiten Massen entwurzelten junge Muslims, die hier ohne Arbeit herumlaufen, machen es möglich, dass eine solche „Insurgency“-Strategie hier künftig inszeniert werden könnte. Die These wird ganz au sérieux in Frankreich genommen und der Hauptreferent in dieser Sache ist der französische Politikwissenschaftler algerischer Herkunft Ali Laïdi. Dieser stellt ganz sachlich fest, dass die aufgehetzten Köpfe in den Randstädten rund Paris, Lyon oder Marseille, systematisch von Geistlichen fanatisiert werden, die irgendwie von saudisch-finanzierten Gremien abhängen. Solche Geistlichen predigen überhaupt nicht die Integration, sondern einen rückwärtsorientierten Islam, wobei weite Teile dieser arabisch-mahomedanischen Bevölkerungsgruppe der Leitkultur völlig entfremdet und, schlimmer noch, ihr tiefer und tiefer befeindet werden, sowie die fanatischen wahhabitischen Krieger der arabischen Halbinsel die kulturreiche Islam-Synthese Persiens oder des Ottomanischen Reiches entfremdet wurden. In dieser verschwächten Bevölkerungsgruppe herrscht von jetzt ab ein Misstrauen, wobei alles was man als Europäer sagt, stillschweigend oder vehement abgelehnt wird. Intoleranz taucht inmitten eines langweiligen Toleranz-Diskurses.
Geschichte des Islamfundamentalismus
◊ 1. Erklärung der Begriffe
Der sogenannte Islamfundamentalismus hat seine Wurzeln in verschiedenen Denkschulen, die im Laufe der Geschichte in islamischen Ländern entstanden sind. Die heutigen Strömungen des Islamfundamentalismus finden ihre Quellen eben in diesen Denkschulen. Es scheint mir deshalb wichtig, diese fundamentalistischen Richtungen und ihre Folgen zu kennen.
- Die erste Denkschule ist der Hanbalismus. Gründer dieser Schule sind Achmad Ibn Hanbal (780-855) und später, in einer zweiten Stufe der Entwicklung dieser Schule, Taqi Ad-Dinn Ibn Taymijah (1263-1328). Die vier Hauptgrundrichtungen dieses Denkens sind : 1) Eine Reaktion gegen die Verwendung philosophischer Begriffe griechischer oder persischer Prägung im Raum des Islams. Die Reaktion ist also anti-europäisch; 2) Eine buchstäbliche Interpretation des Korans, wobei keine Innovationen toleriert werden; 3) Der Muslim darf keine persönliche Urteilskraf und keine theologische Spekulationen entwickeln. Opfer dieser strengen Restriktion wurde der Mystiker Ibn Arabi, einer der gründlichsten Denker unseres Mittelalters (wobei der Begriff ‘Mittelalter” für den Islam überhaupt nicht passt); 4) Die Feindschaft gegen den Sufismus, d. h. gegen breitdenkenden Schulen, die ihre Ursprung im iranischen Raum fanden.
- Der zweite Denkschule ist der bekanntste Wahhabismus, von Muhammad Ibn Abd Al-Wahhab gegründet. Al-Wahhab wurde ungefähr 1703 in Naschd-Provinz in der Arabischen Halbinsel geboren. Die Merkmale seines rigoristischen Systems sind: 1) Er ist unmittelbar ein Anhänger der hanbalistischen Tradition; er will deren Strengheid im späteren saudischen Raum wieder erwecken; 2) Al-Wahhab behauptet, der Kultus sei unrein geworden, weil zuviele Devotionalien den reinen Geist des Islams besuddeln; er will jeden Rückkehr zu vorislamischen Riten bekämpfen, da diese Riten im arabischen Halbinsel wieder üblich geworden waren, weil das Land weit von den Zentren des islamischen Hauptkultur entfernt war; 3) Al-Wahhab rechtfertigt die systematische Anwendung von Terror gegen Andersdenkenden, wie, zum Beispiel, Schiiten oder andere “Abweichler”. Terror wird Mittel zum Zweck; 4) Al-Wahhab behauptet auch, daß das Besuchen von heiligen Stätte ketzerisch sei; Objekte wie Rosenkränze, das Rauchen, die Musik, das Tanzen werden also verboten; Männer sollten immer auch Bart tragen.
- Die dritte Denkschule ist die Ichwan-Bewegung. Nach eine langen Zeit des Wirrens, erobert der Neschd-König Ibn Saud die arabische Halbinsel. Seine Truppen —die Ichwan-Verbände— werden von den Wahhabiten fanatisiert. Ibn Saud, ein schlauer König, weiss aber, daß das Nomadentum die Araber der Halbinsel schwächt. Er will sie seßhaft machen und militarisieren. Deshalb gründet er eine Bewegung von Soldaten-Kolonisten, die streng wahhabitisch erzogen werden. Diese Militarisierung durch Religion ist eine Grundtendenz des heutigen Fundamentalismus und hat, u. a. Bin Laden inspiriert. Die Geschichte der Ichwan-Bawegung, d. h. die Bewegung der Bruderschaft, zwingt uns, die Geschichte Saudi-Arabiens besser zu kennen und zu verstehen.
- Die vierte Denkschule ist die Bewegung der Islam-Bruderschaft oder Muslim-Bruderschaft in Ägypten. Gründer der Bewegung war Hassan Al-Banna, der sie Ende der 40er Jahre ankurbelte. Hauptidee war, daß die arabisch-muslimischen Völker den Westen nicht knechtisch nachahmen sollten. Er plädierte für eine allgemeine Reislamisierung und gründete deshalb auch eine paramilitärische Organisation, die Kata’ib (die Phalange). Al-Banna wurde 1949 in offener Strasse von ägyptischen Polizisten erschossen, nachdem Demonstranten englische Soldaten gelyncht hatten. Es ist merkwürdig zu notieren, dass am Anfang seiner Laufbahn Al-Banna ein liberaler verwestlicher Intellektuelle war. Er hatte in den Vereinigten Staaten studiert. Nach seiner Rückkehr nach Ägypten, lehnte er die westlichen Ideen ab und wurde streng islamitisch. In der ersten Phase der Bewegung, unterstützte Al-Banna die “Freien Offiziere” Nassers, aber danach, entstand eine totale Opposition gegen Nasser mit Hilfe der Kommunisten. Die Tätigkeiten der Islam-Bruderschaft hat systematisch das Nasser-Regime geschwächt. Insofern har die Bewegung die Amerikaner und Israelis geholfen, Ägypten als auftauchende Macht innerhalb der arabischen Welt auszuschalten, besonders nach der Niederlage von Juni 1967. In 1955, wurde die Bewegung für das erste Mal von den ägyptischen Behörden aufgelöst und verboten. Die ersten Hinrichtungen von Bruderschaftsaktivisten finden statt. Sayyib Qutb (1906-1966) wurde dann der Nachfolger Al-Bannas. Er entwickelte die Bewegung weiter und gab sie eine islamistisch-sozialistische Orientierung, wiederholte und rekapitulierte die hanbalistische Dimension seiner Islamsvision; die eigentliche Neuheit war, dass er den Dschihad, den heiligen Krieg, gegen ungenügende, zu tolerante oder ketzerische muslimische Regierungen. Zwischen 1954 und 1964, flog er manchmals ins Gefängnis. 1966 wird er endlich hingerichtet.
Die geschichtlichen Kenntnisse sollten auch mit geographischen Kenntnissen erweitert werden. Die Bühne, wo alles entstanden ist, ist selbstverständlich das heutige Territorium Saudi-Arabiens. Mohammed in seiner Zeit war ein kluger Geopolitiker: Er hat die Halbinsel geeinigt und der Netz der Karawanen-Straßen gegen alle Einflüsse von ausserhalb der arabischen Halbinsel sichergestellt. Nichts läßt vermuten, daß er weitere Länder erobern wollte. Aber einige Jahre nach seinem Tod, war der Kontext völlig anders. Mohammed wurde im Jahre 570 geboren, also im sogenannten Huluban-Jahr oder Elefanten-Jahr, wenn abyssinische Truppen im Dienst des byzantinischen Reiches Arabien vom jemenitischen Süden erobert hatten, um die Perser von den Ufern des Roten Meeres fernzuhalten. Mohammed wollte es nicht, dass die Halbinsel und die Karawanen-Straßen Bühne eines Krieges zwischen raumfremden Mächten wurde. Nach seinem Tode, kämpften Perser und Byzantiner weiter, mit als Verbündeten die semitisch-aramäiche Stämme des heutigen Jordaniens und Iraks. Die Nachfolger des Propheten zerschlugen unerwartet byzantinische Verbände im Raum Südjordaniens und Palästinas. Später werden auch persische Truppen zerrüttet. Die semitisch-aramäischen Völker, die von diesem ständigen Krieg müde waren, bekehren sich zum Islam. Die Zeit war gekommen, um ein riesengrosses Islam-geprägtes Reich zu gestalten.
Die arabische Halbinsel bestand und besteht noch heute aus hauptsächlich vier Hauptgebieten : Das Hedschas-Gebiet, das Neschd, das Assir und die Hassa-Provinz.
Das Hedschas-Gebiet wird von nicht-wahhabitischen Sunniten beherrscht und ist der Ort der heiligen Stätte des Islams, wo die Pilger sich begeben. Im 1916-17, organisiert der britische Offizier Lawrence die Hedschas-Stämme rund dem Häuptling Hussein, der damals ein Feind Sauds war. Die Hedschas-Stämme sind Bundgenossen der Briten, die Stämme unter der Führung Sauds aber den Briten gegenüber sehr misstrauisch und spâter Amerika-hörig.
Das Neschd-Gebiet ist das zentralgelegene Gebiet der Halbinsel, aus dem die Anhänger des Wahhabismus und später die verbündeten Stämme des Sauds ihre Eroberungszüge anfangen werden. Im berühmten Buch des ehemaligen Vichy-Minister und Historiker des deutschen Militärwesen Benoist-Méchin, wird das Neschd-Gebiet sehr genau beschrieben. Die eigentliche Urheimat der semitischen Völker befindet sich im heutigen Jemen und Assir-Gebiet, die bis spät ein eher reiches und furchtbares Land mit sesshaften Stämmen, die eine effiziente Landwirtschaft entwickelt hatten. Die Römer sprachen von „Arabia felix“, d.h. „Glückliches Arabien“. Es ist also falsch zu behaupten, dass die semitischen Völker alle ursprünglich Nomaden waren. Wenn das fruchtbare Land Jemens zu viele Kinder erzeugte, mussten die notgezwungen nordwärts auswandern, und eine kriegerische nomadische Kultur im Neschd-Gebiet zu schaffen. Im dürren Norden entstanden also nach einem langen Voklswerdungsprozess eben diese Krieger-Stämme, die den Islam und viel später den Wahhabismus ihre ersten Impulse gaben. Wir finden deshalb im Kern der arabischen Halbinsel die übliche Dialektik Zentrum-Peripherie, wobei das dürre unfruchtbare Zentrum nicht das zeitlich erste Element des dialektischen Prozesses ist, sondern das Produkt einer reichen Peripherie, die später nach einer mehr oder weniger langen Reifungsprozess das Entstehungsgebiet einer eigenartigen geistigen Revolution geworden ist. Dieses Modell ist nicht einzig in der Geschichte des Islams: Auch das dürre steppische Zentralasien als Urheimat oder als Sprungbrett der Türkvölker in Richtung der bunten Reichsgebiete des sogenannten „Rimländer“ (Persien, Byzanz und das indische Gupta-Reich) kann als eine Zentrum zweiter dialektischen Hand betrachtet werden.
Das dritte Gebiet der Halbinsel ist das Assir, das von Jemeniten bewohnt wird, die stark schiitisch geprägt sind. Assir ist ein Bergland mit feuchterem Klimat. Die Stämme im Assir haben sich immer gegen diejenigen des Neschds gewehrt.
Das vierte Gebiet ist die Hassa-Provinz, die sich der Ostküste der Halbinsel entlang befindet, wo die Ölfelder liegen. Die arabisch-semitische Urbevölkerung war dort ursprünglich schiitisch und pflegte enge Bände mit den Schiiten Iraks.
Die Geschichte des Wahhabismus
Im 18. Jahrhundert, nachdem das Ottomanische Reich und sein Verbündeter der französischen „Sonnen-König“ endgültig durch den Prinzen Eugen im Schach gehalten wurden, war der Islam weltmächtig auf dem Ruckzug. Das türkisch-ottomanische Hegemon konnte sich Europa gegenüber nicht mehr behaupten. In diesem Kontext entwickelte der Geistliche Al-Wahhab in einem abgelegenen Ort im Neschd seine rigoristische Lehre, um den Islam wieder kampffähig zu machen und das türkische Hegemon durch ein neues arabisches zu ersetzen. Um dieses Ziel zu erreichen, schmiedet er 1744 ein Bündnis mit dem Stammeskönig Mohammed Ibn Saud, Gründer der noch heute herrschenden Dynastie. Die Allianz zwischen dem Geistlichen und dem Krieger erlaubte in einer ersten Phase die komplette Eroberung des Neschd, wo alle Feinde ausgeschaltet bzw. ausgerottet wurden. Während dieser langen Auseinandersetzungen wurde die schiitische Pilgerstadt Kerbala im heutigen Irak erobert und völlig zerstört, weil die Wahhabiten die Reliquien der Martyrer und die Volksfrömmigkeit rund diesen religiösen Überlieferungen als ketzerisch und Götzenanbetung betrachteten. Hier liegt die Wurzel der Erzfeindschaft zwischen Schiiten und Saudi-Wahhabiten, die heute durch die Ereignisse im Irak wieder angekurbelt wird, wobei die amerikanischen Geheimstrategien des „divide ut impera“ (Teile und Herrsche“) eine erhebliche Rolle spielen. Die Kriegszüge Al-Wahhabs und Mohammed Ibn Sauds führten damals auch westwärts mit schweren Angriffen gegen die Hauptkultstätte von Mekka und Medina, wo auch Schreine und Kultortschaften in Namen des religiöse Rigorismus der Wahhab-Lehre zerstört wurden. Hier liegen dann die Keime der späteren Feindschaft zwischen Neschd-Stämmen und Hedschas-Stämme.
Am Anfang des 19. Jahrhunderts im Kontext der Napoleontischen Kriege, wurden de facto die wahhabitischen Stämme in ihrer Feindschaft der Ottomanen gegenüber die Bundgenossen Frankreichs, weil einfach weil die Machtkonstellation damals die folgende war: Das Ottomanische Reich sowie Persien waren die Verbündeten Englands. Wenn aber Napoleon in Russland 1812 besiegt wird, verminderte das Interesse Englands an diesen fernen exotischen Bundgenossen. Die Ottomanen und die Ägypter, unter der Leitung des Albaners Mehmet Alis und dessen Sohn Ibrahim Pascha, versammelten ihre Kräfte, um die Wahhabiten auszuschalten. Das Neschd-Königreich wurde unerbärmlich zerstört, eben die Quellen in diesem Wüstengebiet wurden trocken gelegt, um jede Logistik und jede Bewegung weiten Umfangs zu verhindern. Nach den Racheoperationen Mehmet Alis und Ibrahims, herrschte in der Halbinsel eine Zeit der Wirren, wo sich Stämme gegen Stämme einander bekriegten. Der zweite Ibn Saud (1880-1953) beginnt erneut die Eroberung des Neschd-Zentralgebietes, diesmal mit der anfänglichen Unterstützung Englands. Die Operationen entwickelten sich mit der extremsten Gewalt. Grausame Ereignisse und Ströme Blutes erschütterten Arabien. Wenn der Erste Weltkrieg in Europa ausbricht, versuchen die Briten sofort Verbündeten in der Halbinsel, um die Ottomanen auf ihrer südlichen Flanke einzukreisen. Das Kairo Büro mit Lawrence suggerierte ein Bündnis mit Hussein und Feisal im Hedschas-Gebiet, aber das Bombay Büro mit Shakespear wählte eher Ibn Saud als Verbündeter. Lawrence bekommt die Kredite, ganz einfach weil er schneller die Hedschas-Stämme in Akaba bringen könnte, um eine Küstenstreife frei für eine britische Landung am Endpunkt der Damas-Jerusalem-Akaba-Eisenbahn sicherzustellen, und auch komischerweise weil er akzeptierte, einen arabischen Kopftuch statt einer Offizier-Mütze europäischer Art zu tragen, was Shakespear immer hartnäckig und schneidig abgelehnt hatte. In seinen Notizen über seine arabischen Feldzüge, spricht Lawrence ausführlich darüber, dass Araber tief davon schockiert und gekränkt werden, wenn Europäer in ihrer Anwesenheit Hüte oder Mützen tragen.
In den 20er Jahren, als die Sprösse der Hedschas-Häuptlinge über Jordanien und den Irak mit britischer Unterstützung herrschen, wiederholte der zweite Ibn Saud seine frühere Feldzüge bis er endlich wieder die ganze Halbinsel kontrollierte. Um dieses Ziel zu erreichen, bediente er sich dem Instrument der Ichwan-Bewegung, die er dann, sofort er gesiegt hatte, auflösen liess. Mit der Macht fest in den Händen und nachdem Ölfelder auf seinem Hoheitsgebiet entdeckt wurden, konnte Ibn Saud II. 1945 mit Roosevelt verhandeln und seine britische Feinde im Kampf um das Öl ausschalten. 1953 stirbt der Beduinen-Herrscher nachdem die Bedingungen des Bündnisses mit Amerika fest und endgültig festgelegt wurden. Hier beginnt wirklich die Geschichte der engen Zusammenarbeit zwischen Washington und Riad.
(weitere Auszüge später).
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vendredi, 15 janvier 2010
Palestina: salvare Fatah
Palestina: salvare Fatah |
Scritto da Antonio Albanese |
«Perché ci si dovrebbe interessare del destino di Fatah?» Con questa domanda si apre un’interessante analisi dell’International crisis group del novembre scorso. Palestine: Salvaging Fatah è l’ultima fatica in materia di questa organizzazione non governativa, non profit, con personale sparso nei cinque continenti che lavora direttamente sul campo con analisi di alto livello e di elevato profilo che vengono utilizzate come fonte primaria da moltissime agenzie internazionali, Onu compresa. In questa analisi si cerca di dare una risposta all’interrogativo iniziale e di fornire anche delle indicazioni operative nello stile dell’Icg. Fatah ha 50 anni, è stato il cuore pulsante del nazionalismo palestinese, ma ha perso smalto, la sua capacità di mobilitazione sembra distrutta. Diviso al suo interno, ha perso le uniche vere elezioni nella storia dell’Autorità palestinese. Aveva promesso al suo popolo di combattere per la liberazione, raggiungere l’indipendenza attraverso negoziati e gestire la vita quotidiana del nuovo Stato ma non ha raggiunto nessuno di questi obiettivi; Hamas o la Jihad islamica gestiscono la resistenza, la diplomazia la gestisce l’Olp, la governance spetta al primo ministro Fayyad in Cisgiordania e alle forze islamiche a Gaza. La minaccia del presidente Abbas di non partecipare alle prossime elezioni politiche è l’ultimo segnale di un movimento allo sbando: le stesse difficoltà di Fatah rendono “spuntata” una simile minaccia, il movimento ha bisogno di una sterzata visibile. C’è più che mai bisogno di un movimento nazionale perché i negoziati abbiano successo pena il loro fallimento e la ricerca di una nuova via. La Conferenza generale di Fatah dello scorso agosto, la prima in venti anni, è stato il primo passo, afferma il report Icg. «I problemi di Fatah nascono dal suo stesso modus operandi», nascono cioè, secondo l’Icg, dall’unicità dell’esperienza palestinese: sotto occupazione ma impegnata nel processo di nation-building; ancora coinvolta nello scontro armato sebbene sia impegnata in negoziati. All’inizio è stato il movimento nazionalista a beneficiare di questa duplicità: fazione dominante nell’Olp, anima dell’Ap, Fatah controllava l’agenda politica, governava e attraverso Yasser Arafat, suo fondatore, gestiva la resistenza. Bilanciare questi aspetti divenne quasi subito impossibile: la governance dà sì un’opportunità di dispensare benefici alla popolazione, ma il suo corollario è la corruzione e la disaffezione conseguente. Fatah cominciò a crollare assieme al moribondo processo di pace e nel 2004 ha pianto la scomparsa del suo leader. Purtroppo Fatah non ha prodotto i germi per il suo aggiornamento nel processo di sviluppo di un sistema pluralistico. Ha visto, infatti la sua egemonia all’interno dell’Autorità palestinese come fine a se stessa. Non ha adeguato la sua agenda politica a un mondo che muta rapidamente. Non ha rinnovato la sua leadership, ha marginalizzato generazioni di attivisti e privato il movimento della necessaria linfa vitale. Inoltre, Fatah non ha tratto esperienza e non ha saputo rispondere adeguatamente a situazioni particolari: la seconda intifada, la devastazione dell’Autorità stessa, le vittorie elettorali di Hamas, la presa di Gaza da parte delle forze islamiche e il fallimento del processo di pace. La Conferenza generale, svoltasi a Betlemme, è stato il segnale della presa di coscienza che qualcosa andava fatto. I risultati sono stati superiori alle aspettative, a partire dal fatto che la conferenza si sia tenuta. Per la sua preparazione si sono svolte una serie di consultazioni regionali per designare i delegati, rinnovare la leadership a molti livelli; alla Conferenza, dice l’Icg, molte strutture a lungo dormienti di Fatah, come i Comitati centrale e rivoluzionario, sono state “risvegliate”. La maggior parte dei nuovi delegati oggi costituiscono la nuova leadership; a differenza dei loro predecessori si tratta di persone cresciute nei territori occupati, e questo fatto gli fornisce una comunanza unica con chi vive in quelle realtà. Ci sono stati, ovviamente, dei lati oscuri, accuse di manipolazione e brogli, ma secondo molti osservatori questo fatto è un segnale della vitalità di Fatah sul territorio. Se Fatah riuscisse a riformarsi internamente dovrebbe rivedere i suoi rapporti con l’Autorità palestinse, con Abbas, e con Hamas. Le sfide che Fatah dovrà affrontare nei prossimi mesi probabilmente daranno l’immagine della sua capacità politica. I dialoghi israelo-palestinesi sono allo stallo, la diplomazia statunitense segue gli eventi piuttosto che guidarli; i colloqui interpalestinesi sono all’impasse, un presidente nuovo e politicamente competente sarebbe necessario e le elezioni presidenziali previste per il gennaio 2010, se tenute, sconfiggeranno Hamas, secondo l’Icg, e metteranno Habbas in crisi nei suoi rapporti con Fatah stessa, che teme una elezione esclusivamente in Cisgiordania, che di fatto aumenterebbe la frattura con Gaza. L’annuncio di Habbas di non presentarsi, se mantenuto, creerebbe ulteriori tensioni: Fatah si dovrebbe confrontare con una tumultuosa transizione, situazione per la quale non è preparata. Tutto questo, per l’Icg, richiede azioni dirette di Fatah. Gli Usa e la comunità internazionale hanno fatto molte pressioni su Fatah per far svolgere la Conferenza generale affermando che un cambiamento era necessario per assicurare la vittoria futura; la diagnosi era giusta ma la terapia si è rivelata incompleta. Riformare il movimento e le sue sclerotiche strutture è un processo che non deve fermarsi. Per un movimento che ha “smarrito la via” ci vuole però qualcosa di più: ha bisogno di un’agenda di modalità operative e di alleanze politiche. L’Icg suggerisce: «1) Lo sviluppo di una strategia non violenta di resistenza. Nella conferenza si è menzionata la lotta armata, ma nonostante le ovazioni della sala, il progetto di lotta armata ha mostrato il suo fallimento morale e la sua scarsa politicità. Fatah deve andare oltre. Occorre trovare una strategia tra la violenza e la passività in forme d’azione popolare che possano orgogliosamente essere messe in pratica e che forniscano un modo per far andare avanti i negoziati. 2) Come relazionarsi con l’Autorità palestinese. Fatah è un movimento di liberazione nazionale, già dagli anni di Oslo si è fusa di fatto con il governo. Questa fusione ha incrementato la percezione della sua corruzione, mentre ha disorientato e smantellato i suoi quadri. Fatah deve decidere se incentrare la sua agenda politica sull’amministrazione dei territori occupati e sul processo di state-building o preferisce focalizzarla sull’agenda politica di liberazione dei territori stessi, disimpegnandosi dal governo. 3) Cosa fare con Hamas. La riconciliazione dipenderà dalle azioni di entrambe le organizzazioni e dalle visioni politiche di attori non palestinesi. Ciononostante Fatah dovrà decidere se l’unità nazionale sia prioritaria o meno, se è pronta a fare spazio alle forze islamiche e a quale prezzo (soprattutto in termini di relazioni con Israele e con gli Usa), e quale prezzo è disposta a pagare». «Una leadership» avvisa infine l’Icg, «con una visione più chiara, più democratica e più in sintonia con la gente potrebbe limitare la flessibilità e capacità di fare concessioni dei negoziatori. Sarebbe maggiormente credibile, legittimata e capace di portare avanti la sua costituzione. Attori esterni, come gli Usa e Israele, potrebbero non gradire tutte le risposte che Fatah potrebbe dare. Ma sarebbe meglio, comunque, che non avere alcuna risposta». Luigi Medici |
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vendredi, 06 février 2009
Islam-Occident : l'histoire interdite?
Islam-Occident, L'histoire interdite ?
Débat. Le livre de Sylvain Gouguenheim déclenche la polémique.
Frédéric Valloire, le 06-06-2008 : Sur: http://www.valeursactuelles.com
Un pavé dans la mare du conformisme, notait Valeurs actuelles, le 25 avril dernier, en présentant dans la page Focus Histoire l’ouvrage de Sylvain Gouguenheim, Aristote au mont Saint-Michel, les racines grecques de l’Europe chrétienne, paru au début du mois de mars aux éditions du Seuil. Quelques jours plus tard, naissait “l’affaire Gouguenheim”.
L’auteur, professeur d’histoire médiévale à l’École normale supérieure de Lyon, ne peut répondre : son avocat lui a demandé d’être silencieux. Sa dernière intervention est un entretien dans le Monde du 25 avril, où il se dit « bouleversé par la virulence et la nature des attaques ». Et il récuse les intentions qu’on lui prête.
Que dit-il ? Parmi les routes de transmission qui ont permis à l’Occident médiéval, du VIe au XIIe siècle, de connaître les textes grecs antiques, en particulier ceux d’Aristote, et de les traduire, la filière arabe n’est pas la seule. Il existe une filière byzantine, relayée par la Sicile et l’Italie du Sud, où le grec était encore utilisé par les marchands, les ambassadeurs et les clercs. Peuvent s’y ajouter quelques monastères isolés dans un monde où la langue savante est le latin, tels celui de Saint-Gall en Suisse actuelle et surtout celui du Mont-Cassin. Mais connaître le grec en Occident demeurait un exploit : le plus surprenant étant Jean Scot Érigène, un théologien irlandais du IXe siècle, qui connaissait Platon et traduisit en latin des Pères grecs de l’Église.
En outre, Gouguenheim relève que les grands philosophes arabes Al-Fârâbi, Avicenne, Averroès ne lisaient pas les textes originaux en grec mais dans des traductions. Elles étaient effectuées pour la plupart par des chrétiens d’Orient qui connaissaient le grec, l’arabe, tel Hunayn ibn Ishaq. Existaient même à Bagdad des cercles de traducteurs, La Maison de la sagesse, où ils se retrouvaient et qu’un universitaire de Yale, Dimitri Gutas, a examiné dans un ouvrage (Pensée grecque, Culture arabe, Aubier, 2005), que ne mentionne pas Gouguenheim. Tout cela n’est certes pas nouveau.
L’idée forte de Gouguenheim est de considérer que, dans cette transmission des idées grecques, les filières européenne et byzantine ont été plus importantes que la filière arabe, même par l’intermédiaire de l’Andalousie. En particulier grâce à un personnage mal connu, sans être inconnu, Jacques de Venise (mort après 1148). Selon Gouguenheim, ce premier traducteur d’Aristote au XIIe siècle « mériterait de figurer en lettres capitales dans les manuels d’histoire culturelle » et aurait travaillé au Mont-Saint-Michel. Ce qui est certain, c’est que ses traductions connaissent un succès stupéfiant et qu’elles se différencient de celles venues du monde islamique, qui filtraient la pensée d’Aristote, n’en retenant que ce qui était compatible avec les dogmes religieux et en laissant les aspects politiques.
À première vue, une querelle de spécialistes. Qui a tourné à la guerre de positions. Et qui assure le succès du livre : il dépasse les 7 000 exemplaires vendus, en moins de deux mois. Un chiffre élevé pour un ouvrage paru dans la collection, prestigieuse et exigeante, qu’est L’Univers historique.
La réception du livre commence par un long article, fort élogieux, du journal le Monde du 4 avril, « Et si l’Europe ne devait pas ses savoirs à l’Islam ? ». Signé par Roger-Pol Droit, il salue un livre « précis, argumenté, fort courageux, qui remet l’histoire à l’heure ». Même accueil chaleureux ou curieux dans le mensuel le Monde de la Bible, Ouest-France, le Figaro littéraire, la Libre Belgique.
Le 25 avril, sur une page entière, le Monde fait marche arrière devant « l’émotion d’une partie de la communauté universitaire ». En fait, quarante historiens et philosophes emmenés par Hélène Bellosta et Alain Boureau. Partis à l’assaut de ce qui, pour eux, n’est que vieilles lunes et vieux savoirs, ils reçoivent le renfort de deux médiévistes, l’un de Paris-VIII, l’autre de Montpellier, qui portent une charge violente contre cet ouvrage « prétendument sérieux », mais dicté « par la peur et l’esprit de repli ». Et les pétitions hostiles à Gouguenheim circulent.
Le lundi 28 avril, un appel lancé par deux cents « enseignants, chercheurs, personnels, auditeurs, élèves et anciens élèves » de l’ENS de Lyon, des lettres et des sciences humaines, où enseigne Sylvain Gouguenheim, demande une enquête informatique approfondie pour savoir s’il a donné en bonnes feuilles des pages de son ouvrage à Occidentalis, un site d’“islamovigilance”. Les pétitionnaires, qui se drapent vertueusement dans l’indépendance de la recherche surtout lorsqu’elle est « inattendue et iconoclaste », ont des réflexes de délateurs. Sans en discuter les thèses, simplement parce que « l’ouvrage de Sylvain Gouguenheim sert actuellement d’argumentaire à des groupes xénophobes et islamophobes qui s’expriment ouvertement sur Internet », ils mettent l’essai à l’index. Ont-ils été entendus ? La direction de l’école fait savoir qu’elle va créer un comité d’experts afin d’étudier les pièces du dossier. Pire : elle se propose d’auditionner l’historien avant de transmettre un avis au conseil d’administration de l’école, « qui évaluera les suites à donner ». Procédé scandaleux autant qu’injuste : Gouguenheim n’a commis aucune faute.
Le 30 avril, Libération, qui, la veille, avait fait paraître une recension plutôt neutre de l’ouvrage, donne la parole à cinquante-six chercheurs en histoire et en philosophie du Moyen Âge qui ont lu (tous ? on peut en douter) Aristote au mont Saint-Michel. Après avoir relevé les coquilles et les maladresses, ils attaquent le fond de l’ouvrage. Que lui reprochent-ils ? d’avoir un présupposé identitaire (l’Europe s’identifiant à la chrétienté) et de déclarer que même en l’absence de tout lien avec le monde islamique, l’Europe chrétienne médiévale se serait approprié l’héritage grec et aurait suivi un cheminement identique. Bref, de réduire dans les domaines de la raison et du politique l’influence islamique et « de déboucher sur des thèses qui relèvent de la pure idéologie », de faire du « racisme culturel » et d’avoir une démarche qui « relève d’un projet idéologique aux connotations politiques inacceptables ». Cela est dit avec des mots qui tuent, tant ils sont connectés au négationnisme : « révision », « relecture fallacieuse ».
Le 5 mai, Télérama, dans le style que ce journal affectionne, mi-rigolard, mi-moralisant, prend le relais : résumé réducteur du livre, sélection de phrases sorties de leur contexte, suppression des nuances et des restrictions qu’apportait l’auteur. Un ton néostalinien pour dénoncer les « thèses islamophobes de Sylvain Gouguenheim » et la pente dangereuse prise par les éditions du Seuil qui l’ont cautionné en le publiant ! Monte au créneau le philosophe Alain de Libera, l’un des premiers à réagir. Il est vrai qu’il était épinglé, poliment, sans acrimonie, par Gouguenheim. Et Libera de se déchaîner : « L’hypothèse du Mont-Saint-Michel, comme chaînon manquant dans l’histoire du passage de la philosophie aristotélicienne du monde grec au monde latin, a autant d’importance que la réévaluation du rôle de l’authentique Mère Poularde dans l’histoire de l’omelette. » Et de conclure : « Cette Europe-là n’est pas la mienne. Je la laisse au “ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale” et aux caves du Vatican. » La discussion de fond ? À peine amorcée, très vite elle dérape, glisse, fuit, s’attarde sur des détails.
Sur la Toile, de blog à blog, par milliers, les réponses fusent, dépassent toute correction d’autant que l’anonymat y est le plus souvent la règle. On parle de « Gouguenheim au Mont-Saint-Adolf » ; on lui imagine des sympathies à l’extrême droite, même s’il rappelle qu’il appartient à une famille de résistants et si l’une des annexes (d’ailleurs anachronique) de son livre souligne les liens entre l’islam et le nazisme, à travers une intellectuelle allemande, Sigrid Hunke ; on le condamne pour avoir cité un ouvrage de René Marchand, journaliste et essayiste arabisant, de sensibilité gaulliste. Sur Internet, on s’affiche gouguenheimien ou antigouguenheimien.
Rappel à l’ordre et au bon sens : dans l’Express du 15 mai dernier, « outré par ces attaques », déplorant « la véhémence des critiques », le médiéviste Jacques Le Goff sort de sa réserve. Il juge le livre « intéressant mais discutable » et remarque que « peu des principaux médiévistes » ont rejoint le collectif des cinquante-six. Pour soutenir l’auteur, il consacrera l’un de ses prochains Lundis de l’histoire sur France Culture à l’étude de Gouguenheim, les Chevaliers Teutoniques chez Tallandier (lire Valeurs actuelles n° 3720). Une intervention salutaire.
Que les polémiques se soient développées, rien d’étonnant. Il y a les ambitions personnelles, le sentiment de propriété sur tel ou tel domaine qu’ont les universitaires et qui les entraîne souvent à considérer celui qui empiète sur leur domaine comme un ennemi. Il y a les positions politiques ou idéologiques plus ou moins conscientes, qui sont liées autant à des sentiments personnels qu’à de vagues notions de solidarité de chercheurs. Et il y a le confort intellectuel, qui pousse à épouser les idées dominantes, ce que Max Gallo regrettait le dimanche 27 avril, à propos de ce livre, sur France Culture : « Dès lors que l’on n’est pas tout à fait d’accord avec la doxa [en l’occurrence la connaissance des philosophes grecs par l’intermédiaire de l’islam], avec ce qui règne, même quand on est un médiéviste indiscutable, il devient dangereux de faire de l’histoire. »
Ce qui surprend le plus, c’est la rapidité et la violence des réactions. Car il n’y eut aucune protestation lorsque l’islamologue Bernard Lewis expliquait en 1988 (le Langage politique de l’islam, Gallimard) que les mots “citoyen”, “liberté” n’existaient pas dans l’islam classique. Aucune réaction lorsque, en 2002, Jacques Heers donnait au premier numéro de la Nouvelle Revue d’histoire, un article intitulé « La fable de la transmission arabe du savoir antique », qui s’achevait ainsi : « Rendre les Occidentaux tributaires des leçons servies par les Arabes est trop de parti pris et d’ignorance : rien d’autre qu’une fable, reflet d’un curieux penchant à se dénigrer soi-même. » Rien non plus, en 2006, à la sortie d’un petit essai Au moyen du Moyen Âge (repris, augmenté, il sera réédité en septembre chez Flammarion) de Rémi Brague, professeur de philosophie à l’université de Paris-I. Or, ce spécialiste d’Aristote, de saint Bernard et de Maïmonide consacre plusieurs pages aux problèmes de traduction des textes grecs venus du monde arabe et rejoint, à bien des égards, l’étude de Gouguenheim.
Serions-nous entrés dans un monde de plus en plus intolérant ? Qui ne cesse de légiférer en histoire ? Qui confond histoire et mémoire ? Ce que craint Pierre Nora, l’un des fondateurs de l’association Liberté pour l’histoire, qui appelle à l’abrogation de toutes les lois mémorielles, y compris de la loi Gayssot. « L’histoire rassemble, dit cet historien, la mémoire divise. »
00:30 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : moyen âge, philosophie, histoire, islam, europe, monde arabo-musulman, christianisme | | del.icio.us | | Digg | Facebook